Microtoponymie
Saint-Rivoal
Après les noms des villages, les noms des champs
Eh oui ! autrefois, les champs, comme les vaches, avaient un nom... C'était avant l'ère du numérique. Il fallait bien désigner dans quel champ on allait travailler ou mener les vaches, mais aussi renseigner les actes notariés sans erreur. Mais il ne serait venu à l'idée de personne de mettre un numéro sur une parcelle. Il a fallu que les impôts s'en mêlent. Alors, pendant un certain temps, on a continué à garder le nom ancien à côté du numéro officiel.
Le bourg
Un plan du terroir du bourg est visible plus bas (document pdf, cliquer sur "2"). Tous les noms ne sont pas indiqués. On a regroupé les parcelles d'un même secteur sous un nom identique.
Les noms trouvés dans les documents cadastraux sont écrits en utilisant l'écriture disponible à l'époque, c'est-à-dire celle du français, pas très commode en fait pour écrire des noms bretons : c pour k ou pour g dur, s pour z ou l'inverse, é pour e, gu pour g dur, h pour c'h. La transcription en écriture bretonne actuelle se trouve dans la colonne à droite du tableau.
Ce tableau a pour origine les documents cadastraux de 1813 (Archives du Finistère), les documents cadastraux de 1934 (Mairie de St-Rivoal) et des documents plus anciens (archives du Rellec) déjà cités ailleurs par Françoise Gestin (Famille et parenté) et Joseph Pichon (Leur ar C'horneg). Merci aussi au témoignage d'habitants de Saint-Rivoal (Annick Pichon) qui m'ont permis de faire des recoupements d'informations et ainsi d'éviter quelques erreurs de localisation.
Merci enfin pour les conseils de Roland Mogn et les ressources de plantkelt.net[1] pour les noms de parcelles qui proviennent du nom d'une plante.
Voir le plan de l'occupation des sols en 1934 (PDF 2,5Mo): [2] Ce plan donne quelques indications qui permettent de mieux comprendre les dénominations de parcelles :
- Lannéguer : nom de lieu présent aussi au Cloître-Pleyben dans Croix Lannéguer.
Probablement un pluriel de Lanneg (=parcelle d'ajoncs)
Le pluriel de lanneg peut être, suivant les usages locaux, lanneier ou lannegier.
Voir aussi l'ouvrage de Hervé Abalain : "Les noms de lieux bretons", extrait ci-contre.
Le nom affiché dans les documents cadastraux de 1934, Laouéguen, provient à coup sûr d'une erreur de transcription, le o et le u sont en fait 2 n et le n final 1 r. Laouéguen n'a pas de signification en breton.
L | a | o | u | é | g | u | e | n |
L | a | n | n | é | g | u | e | r |
L'article défini ar devant un nom commençant par L était courant (ar Lannéguer), contrairement à l'usage actuel qui veut un al devant L (al Lannéguer).
- An erv gamm : le talus qui longe ce champ est vraiment tordu, donc le sillon aussi.
- Ar c'hozh park bihan : ce champ est sans doute ancien vu sa forme. Les parcelles à limites arrondies sont des parcelles de défrichements premiers à la marre. Les champs défrichés à l'araire ont des bords droits.
- Lann ar groaz : cet espace était immense entre l'actuelle route de Morlaix et la route de Bodenna. Chacun y avait une part.
- Ar roc'h vihan : c'est vraiment un rocher, pas un menhir.
- Park ar c'hloz gwazhiet : sûrement un pré pour faucher de l'herbe fraîche pour les chevaux, draîné et irrigué en hiver par l'eau qui descendait de chemin de Bodenna.
- Park ar munud : deux champs qui ne sont pas si petits que ça (par rapport à la surface moyenne des parcelles voisines). Le mot "munud" peut être une transcription de "minute" ou "minu", mot de vieux français utilisé par les notaires pour une déclaration manuscripte en petites lettres (minuscules). Ici, un exemple extrait des archives de l'abbaye du Rellec (série 4H-244) pour une attribution de terres suite à un décès en 1755.
- Parkoù ber : champs d'égouttage (verbes berañ, diverañ), ils se trouvent à proximité de la fontaine-lavoir. Mais cela peut être aussi un ancien site de cimetière (bered).
- Prad an enezenn : l'île est un pré compris entre le bief et la rivière.
- Prad ar saon : du même type que Park ar saon connu sous le nom de Park ar zant (saon=vallon), en limite Saint-Rivoal_Lopérec.
- Prad ar varlen : de façon certaine et juqu'au milieu du XXème, ce lieu était destiné à la lessive le long de la rivière. On trouve parc-an-barlen et ster-an-barlen dans les papiers de l'abbaye du Rellec au XVIème. Les mutations n'étant pas transcrites à l'époque, barlen pourrait être varlen, proche de walc'hen (verbe gwalc'hiñ=laver). D'ailleurs, le nom actuel du lieu est Pont-ar-varn, avec un v et non un b. Si on reste dans les noms de plantes, ar varlen=la menthe ou la bardane.
- Parc ar c'hemener yan : Ce nom a été rajouté dans le cadastre de 1813 par-dessus un autre nom barré en rouge qui semble être : Parc ar c'houezou vian.
Cela résulte probablement d'une incompréhension du mot d'origine. Très probablement le fameux yan vient du changement d'un v en y au départ. Du coup, ça serait Park ar c'houezoù vihan en breton moderne. Le champ de la lessive (probablement de séchage sur des bosquets de landes exposés au vent), ou de la fabrication du tan nécessaire à la tannerie ? Est-ce que le Park mell (parfois meil), situé juste de l'autre côté du chemin de Gwaremmig ne serait pas justement le site d'un moulin à tan _à main_ car il n'y a pas de ruisseau à cet endroit (ou à vent, peu probable) ?